Histoire de la bergamote - Passeggiate - Randonner hors des sentiers battus

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Histoire de la bergamote

Carnets de voyage
 
 
La bergamote est classée comme Citrus Bergamia. Le fruit a une forme sphérique semblable à celle de l’orange mais jaune comme un citron et la plante peut être facilement confondue avec ces deux agrumes. A cette différence près que, contrairement aux autres citrus, on ne le consomme pas (bien qu’il soit comestible), il est utilisé pour l’extraction de sa pelure d’une huile essentielle très parfumée et très appréciée des parfumeurs du monde entier. Tout le monde n’est pas d’accord sur l’étymologie du terme "bergamote". Pour certains, elle dérive de la ville espagnole de Berga, l’actuelle Barcelone, pour d’autres, elle dérive de la ville de Pergame, l’antique Troie, pour d’autres encore, du turc "berg a mundi" qui signifie "poire du seigneur".
En outre, à la différence de la plupart des autres agrumes existants, et malgré de très nombreuses études, on connaît très peu de choses de la bergamote. Par exemple, on ne connaît pas son origine botanique. Quand on sème une graine de bergamote, on n’obtient pas un plant de bergamote mais un oranger amer (ou sauvage). Celui-ci doit ensuite être greffé.
Cette constatation a fait dire aux scientifiques que la bergamote est née de la mutation naturelle de l’orange amère. Mais où et quand cela est arrivé, personne ne le sait. 
Ugo Sergi
 
On ne sait pas non plus comment cette plante a bien pu choisir la zone la plus au sud de la Calabre, en particulier la côte ionienne de la province de Reggio (environ 100 km), pour croître et fructifier de manière quasi exclusive, puisqu’on y récolte environ 90% de la production mondiale. De nombreuses tentatives pour l’introduire dans d’autres régions d’Italie, d’Europe, d’Asie, d’Amérique et d’Afrique, n’ont réussi que dans une région de Côte d’Ivoire.
 
Pour expliquer ce phénomène, beaucoup ont fait référence au microclimat dont jouit la côte, mais sans identifier les causes réelles. Il s’agit probablement d’un ensemble de facteurs : la très légère différence entre la température nocturne et la température diurne sous tout l’arc côtier de la bergamote ; la géomorphologie caractérisée par d’amples vallées parcourues par les fiumare, cours d’eau très caractéristiques de cette zone ; le sirocco qui apporte périodiquement en hiver des pluies abondantes et en été la chaleur humide (bien qu’en été la chaleur soit généralement sèche) ; les sols alluviaux riches en substances minérales, l’eau abondante grâce à l’irrigation en été (chaque plante adulte reçoit entre 800 et 1000 litres tous les 15 jours) ; l’exposition au sud etc…
 
Tous ces facteurs concourent à "la perfection organoleptique" de l’huile essentielle de bergamote, extraite de la pelure par un procédé à froid avec des rouleaux cylindriques qui le râpent. Durant cette opération, le fruit est continuellement aspergé de petits jets d’eau sous pression qui, en lavant l’écorce, y transportent dans des centrifugeuses l’huile essentielle qui est ensuite séparée de l’eau. L’huile essentielle ainsi recueillie se compose d’environ 350 éléments chimiques qui la distinguent des autres huiles essentielles d’agrumes. En fait la bergamote doit sa fortune à ses fameuses caractéristiques olfactives mais surtout à ses propriétés de fixateur. A une époque où les parfums et les produits cosmétiques étaient composés exclusivement de produits naturels, l’huile essentielle de bergamote était considérée comme indispensable dans la composition du bouquet et utilisée pour amalgamer toutes les essences contenues dans le parfum et en conserver la fragrance dans le temps. Pour trouver une propriété similaire, il fallait utiliser de l’huile d’ambre extraite des glandes de cétacés. C’est pourquoi la période qui va de l’apparition de la bergamote en Calabre (vers 1600) à la diffusion des produits de synthèse dans la cosmétique et dans la parfumerie mondiale (années 1950-60) a été appelée "l’âge d’or".
 
Agritourisme Il Bergamotto
Initialement, lorsque la plante est apparue à Reggio di Calabria, les premiers producteurs ont compris que de la pression de la pelure à la main sur une éponge, ils pouvaient extraire une huile parfumée, aussitôt appelée aqua admirabilis utilisée pour ses propriétés antiseptiques en médecine naturelle. Ce n’est qu’au début des années 1700 que l’usage de l’essence changea radicalement grâce à l’intuition d’un parfumeur de Vérone, Gian Paolo Feminis, qui vivait à Cologne et qui créa avec l’aqua admirabilis la première "eau de Cologne", connue sous le nom de "4711", du numéro du laboratoire où il travaillait. A partir de ce moment, l’usage de l’essence de bergamote devint quasi exclusivement l’apanage de la parfumerie et de la cosmétique qui se développait lentement, surtout en France.
 
Ce ne fut pas la seule utilisation. Vers la fin des années 1700, dans la ville de Nancy, naquirent les "bonbons à la bergamote", devenus très vite un produit typique de la ville. Vers la fin des années 1800, un lord anglais, Sir Grey, propriétaire d’une vaste plantation de thé en Inde, eut lui aussi l’intuition d’aromatiser les feuilles de thé indien avec la fragrance de l’essence de bergamote de Calabre. De ce mariage est né le thé Earl Grey, devenu au siècle dernier l’un des thés aromatisés le plus bu au monde. C’est dommage qu’il ne soit fait aucune mention de l’origine de la fragrance qui caractérise ces deux fameux produits. Mais c’est une autre histoire.
Cette période d’or de la bergamote qui a contribué au développement économique du sud de la Calabre a connu un tournant, malheureusement négatif, quand l’industrie chimique, dans les années 1950, a remplacé les substances naturelles par des produits chimiques. La culture des "jardins" de bergamote devint de plus en plus onéreuse et antiéconomique. Mais cela n’empêcha pas la majeure partie des producteurs de continuer à cultiver la bergamote dans la tradition. Attitude difficile à comprendre dans une économie mondiale où la recherche du profit est la règle. Cela s’explique peut-être par le fait que les Calabrais sont têtus (c’est bien connu)… ou parce que dans les familles des vieux producteurs on se rappelait, avec regret, les années de l’âge d’or… ou peut-être parce que la fragrance emprisonnée dans l’huile essentielle rend optimiste (ce qui est reconnu par des scientifiques spécialistes de l’aromathérapie), rend les gens de bonne humeur, les éloigne de la dépression et de l’anxiété. Les producteurs de bergamote seraient des drogués sans le savoir.
Mais cette persévérance durant des décennies récompense ceux qui ont cru au renouveau d’un produit unique au monde. Ces dernières années, une prise de conscience des bienfaits de la nature a relancé, sur le marché mondial, l’utilisation de l’essence de bergamote, grâce également au développement de l’agriculture biologique. Cette nouvelle conscience mondiale a donné une impulsion aux producteurs de bergamote découragés par des années de crise et des prix dérisoires, et a fait que beaucoup en ont relancé la culture. L’Union européenne leur a prêté main forte en déclarant la bergamote produit DOP*. Il est également proposé que les giardini de bergamote, et donc ses produits dérivés, soient classés au patrimoine mondial de l’humanité.

Ugo Sergi, producteur de bergamote
Traduction d'un article paru sur le site d’Altritaliani

*Note du traducteur : DOP, Denominazione di Origine Protetta, soit "dénomination d'origine protégée", est le label italien correspondant à l'appellation d'origine contrôlée (AOC) française.



 
 
 
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